CAMILLE
J’étais convaincue que c’est seulement en ayant de l’argent que je pourrais faire ce que je voulais quand je le voulais. Pourtant, c’est bien quand
Sous ma première identité officielle, jusqu’à mes six ans, ma vie a oscillé entre ménage, couture et tricot, enfermée entre deux femmes qui ne pouvaient pas se supporter, l’une rabrouant l’autre en permanence. Oh, pour certains, nous étions les chanceux qui avaient hérité de la maison familiale. Mais supporter ma grand-mère n’était définitivement pas un cadeau.
Sous cette identité, j’ai vécu avec un père hypocrite et exigeant, une mère éteinte, des frères et sœurs aux liens mouvants et une famille (au sens large) aux mœurs pernicieuses. Tout ceci a inscrit en moi une certaine relation à l’argent, à la réussite, au corps, à l’amour et à la sexualité. J’ai longtemps rejeté en bloc celle que j’étais sous ce nom, celui de ma naissance.
Serais-je la même aujourd’hui si l’histoire avait été différente ? Si je suis restée dans cette famille, n’est-ce pas parce que j’avais quelque chose à y faire ? Mais là, je m’égare.
Toujours est-il que j’avais un nom et un prénom qui ne me convenaient pas. Oh ! Mon prénom était apprécié dans le pays, régulièrement donné, mais je ne m’y reconnaissais pas.
Le fossé s’est encore élargi lorsque nous avons eu accès à la télévision et que pour la première fois une chaîne française était diffusée en Tunisie. En effet, au cours des années quatre-vingt, Antenne 2 est arrivée dans ce pays et était diffusée en clair pour tous. J’avais douze ans et j’eu cette révélation, comme une évidence. Qu’un jour je partirais et que je ne serais plus Tunisienne, je le savais déjà ; mais que j’irais en France et que je deviendrais Française, je venais de le découvrir. Tout allait changer et je ferai tout ce qu’il était imaginable pour rendre ce projet possible. J’étais déterminée, et ce trait de caractère ne m’a plus jamais quittée.
Traduction dans les faits : le culte de l’excellence, assez rapidement. Cela tombait bien, de toute façon, on n’en attendait pas moins de moi. De chacun d’entre nous d’ailleurs : tu es le meilleur ou tu n’es rien. Cela dit, l’objectif n’était plus du tout le même. Il n’était plus simplement de satisfaire aux exigences familiales, il était de décrocher le sésame pour la France : être dans les cinquante premiers lauréats du baccalauréat. Si le pari était réussi, comme je l’ai découvert dans le secondaire, le pays nous payait une bourse pendant nos études en France. Ça s’est imposé à moi. Il fallait que je la décroche. Pas d’autre choix que de réussir, ça aussi je l’ai longtemps gardé en moi.
Travail d’écriture à quatre mains pour la réalisation d’un livre sur la quête identitaire.
Lien pour commander le livre « Mille & une pièces »
J’étais convaincue que c’est seulement en ayant de l’argent que je pourrais faire ce que je voulais quand je le voulais. Pourtant, c’est bien quand
« Être libre, c’est aussi ne pas agir en fonction du regard d’autrui. » Frédéric Lenoir Années quatre-vingt Le décor est paradisiaque. Une des îles françaises