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VALENTIN

« Être libre, c’est aussi ne pas agir en fonction du regard d’autrui. »

Frédéric Lenoir

 

Livre Valentin Money profil

Années quatre-vingt

Le décor est paradisiaque. Une des îles françaises les plus courues par les touristes tant les randonnées sont nombreuses et les découvertes surprenantes. Nous sommes loin de la métropole et l’atmosphère du lieu où j’ai grandi est particulière. D’un côté les gens aisés, de l’autre les classes populaires et moyennes et surtout personne ne se mélange.

C’est dans ce quasi-déterminisme social que j’ai été élevé par mes parents : ne pas essayer de viser plus haut. On ne perçoit pas de changement possible. Les choses ont toujours été ainsi et elles le resteront. Comme une fatalité.

Eux-mêmes sont certainement ancrés dans ces certitudes et sont restés dans « la classe moyenne », dans le bas de la classe moyenne.

Quand je voyais les personnes plus riches à l’école, je m’en méfiais : leurs parents étaient forcément malhonnêtes. Pourtant, je voulais « en être », grimper cette échelle sociale sur laquelle mes parents étaient restés au deuxième barreau à peine.

Dans cette famille d’ouvriers, je suis l’aîné de quatre enfants. Il faut compter chaque sou avant de dépenser. Suis-je le seul à le percevoir autant ? 

Nous nous entendons très bien avec mes frères et sœurs, mais nous sommes fondamentalement différents. Du reste, je suis le seul à avoir fait des études, à être venu en métropole. Eux ont suivi les traces de mes parents, ont leur emploi là-bas et ne s’en plaignent pas d’ailleurs.

Mon histoire, je ne la raconte pas pour blâmer qui que ce soit, pour me comparer et me penser meilleur que les autres. J’ai été très heureux pendant mon enfance. Ma mère et mon père nous ont aimés tant qu’ils ont pu et ils ont été une formidable ressource pour moi. Ils ont fait ce que je suis aujourd’hui et cela, je ne l’oublie pas.

Années deux mille

Je passe mon bac au début des années 2000. Le besoin d’évoluer dans la société se fait de plus en plus prégnant chez moi. Je ne sais pas expliquer cette force qui me pousse, mais elle est là, elle existe réellement. Ma vie est tracée, je ferai des études longues, je serai ingénieur. Les constructions me fascinent, ce qui les compose surtout. Aussi, ma voie est trouvée : je serai ingénieur en sciences des matériaux. Après une licence, je quitte mon île pour rejoindre la métropole.

Déjà un bac plus trois, c’est un événement chez nous. Personne n’a jamais atteint ce niveau-là. Alors, passer le cap de l’école d’ingénieur, je ne vous raconte pas. Je suis vraiment, même si j’aime guère cette expression, « la fierté de la famille ». Au départ, j’avais l’impression que c’était une finalité pour moi d’être diplômé du supérieur. Et j’avais réussi.

 Ma vie professionnelle débute en tant que salarié dans un bureau d’études. Je vis correctement, sans dépenser trop d’argent. J’ai gardé en moi cette mécanique de « compter », peut-être cette peur de manquer. Au fil du temps, j’épargne de plus en plus. Cela offre de moi une idée en décalage de la manière dont je me perçois : je me vois « économe », mon entourage me considère comme « radin ». C’est impressionnant ce que l’appréciation des comportements est différente selon là où nous situons notre curseur.

Je ne me fixe pas dessus, mais naturellement, je « pense à la place » des autres ; enfin, j’imagine leurs points de vue. Je réfléchis beaucoup. Lorsque je dois prendre une décision, il faut que j’aie tous les éléments, tous les chiffres, toutes les données. En conséquence, je peux mettre longtemps à acter. Parfois très longtemps. Et puis, le perfectionnisme et moi, nous ne faisons qu’un. Je dois faire les choses bien, tout le temps. En résumé, je me dois d’être parfait. Et quand on désire être parfait aux yeux du monde, qu’on veut plaire, on dit rarement non. Sinon, attention à la grande révélation, je serais un imposteur. C’est du moins ce que j’imagine. C’est du moins comme cela que je fonctionne.

 Pour autant, j’avance. Je rencontre ma petite amie, qui deviendra ma compagne puis mon épouse. Et même mon associée. Mais cela, ce sera c’est plus tard.

Années deux mille dix

Rapidement, une sorte de lassitude se fait sentir. Cette impression de ne pas avoir assez grimpé l’échelle réapparaît. Un ingénieur ne s’arrête pas en si bon chemin. Je crée une agence de conseil en construction. Je travaille seul. Là encore, ma famille est ébahie, l’entrepreneuriat, on ne sait pas ce que c’est. C’est une nouvelle source de fierté. Cette agence existe toujours, mais je n’y accorde plus tout mon temps.

J’analyse toujours beaucoup, je regarde, j’observe et je me rends compte qu’il me manque quelque chose pour qu’elle prospère. Parce que bien sûr, je vois grand. J’ai envie d’une entreprise qui grossisse, qui embauche. Mais je n’y arrive pas. Il y a un obstacle que je ne parviens pas à franchir, une barrière ; et je ne peux pas me mentir, cette barrière, elle est en moi.

Ce fut certainement le premier déclic qui m’a incité à m’interroger.

 En parallèle, ma femme commence à s’intéresser au « développement personnel », à se questionner, à entamer des investigations sur les croyances limitantes, les freins psychologiques, notamment ceux auxquels elle fait face. Elle se fait accompagner par un premier coach, puis elle rencontre Sandrine.

 Elle me pousse un peu, je l’avoue. Elle sent que ça me ferait du bien. Que j’ai des réponses à aller chercher. Et puis la curiosité l’emporte. Mon premier coaching démarre à la fin de cette décennie. C’est une ouverture, mais ça ne m’apporte pas tous les éclaircissements. Beaucoup d’outils proposés sont extérieurs à moi, juste à appliquer. J’entrevois quand même que tenter de plaire à tout prix et être aussi perfectionniste peuvent être néfastes pour moi-même comme pour mon entreprise.

Depuis 2020…

Tout s’est accéléré ! Avec Sarah, outre les enfants et notre maison, nous avions réellement envie d’entreprendre quelque chose en couple, d’avoir un projet commun. Et là, il nous fallait nous poser les bonnes questions avant de nous lancer. Nous allions mêler argent professionnel et personnel, nous allions travailler ensemble, plus personne ne serait salarié et comme nous créions start-up, cela signifiait que nous n’aurions pas de revenus de cette activité rapidement.

Compte tenu de notre fonctionnement passé, nous avions des économies. Je comprends maintenant qu’elles nous rassuraient, qu’elles calmaient notre peur du manque et notre sentiment d’insécurité. 

Et nous, nous voulions nous lancer dans un projet d’ampleur. Tout cela ne nous semblait pas compatible. Je l’ai bien vu avec ma première entreprise. Je n’ai pas réussi à la faire grossir. Pourquoi en serait-il autrement si je ne changeais pas moi ? Si je ne mettais pas à mal mes croyances.

Là encore, la solution est venue de Sarah. Elle avait rencontré Sandrine dans un groupe d’entrepreneures. Elle avait suivi son accompagnement MoneyProfil et elle avait été épatée par ce qu’elle avait découvert d’elle-même. Là encore, elle m’a convaincu, sans trop dévoiler d’éléments, qu’il fallait que je tente l’expérience. Que je serais surpris.

Si elle en était certaine, c’était qu’il y avait une raison. Alors, j’ai une nouvelle fois suivi son flair. Ce flair qui semble me manquer, à moi qui ai besoin de toutes les données pour décider. Je lui ai fait confiance et j’ai contacté Sandrine.

Et je suis réellement bluffé, c’est le moins que je puisse dire ! Dans les notes que je prends le temps de notre échange, pas une seule fois je ne marque « Euros », pas une seule fois, nous parlons d’argent. Parce que ce dont nous discutons dans le MoneyProfil, c’est bien de ma relation à l’argent, des projections que je fais mentalement. Je suis stupéfait. Je ne devrais pas, Sarah m’a bien prévenu : « Tu verras, ça va beaucoup plus loin que ce que tu crois ! ».

Le MoneyProfil

J’aime à dire que l’étape au cours de pendant laquelle j’ai réalisé le Money Profil, c’est comme en agriculture le jour du labour, quand on prépare le champ. On retourne la terre et ça va assez vite. Puis rapidement, on sème les graines. Ensuite, pour la récolte, il faut attendre. Et chaque moment est important. Si nous ne travaillons pas bien le sol, il ne se passe rien. Si nous ne semons pas de graine, il ne se passe rien. Si nous n’arrosons pas, que nous ne surveillons pas, et surtout, si nous ne sommes pas patients, il ne se passe rien. Du moins la récolte risque de ne pas être bonne.

Je suis assez fier de moi d’avoir réalisé ce travail-là, d’avoir eu l’intelligence de me laisser convaincre de faire cette analyse. Et je remercie Sarah de m’en avoir parlé. Quelle émotion ! Je n’ai pas honte de l’avouer, les larmes me sont montées aux yeux. L’armure que je m’étais forgée s’est brisée et encore aujourd’hui, alors que je finalise l’accompagnement, que je vous révèle mon histoire, de nombreux points sont mis au jour. Une profonde transformation s’est enclenchée.

Voici pêle-mêle ce que j’ai appris.

Mon profil n’est absolument pas incompatible avec l’entrepreneuriat et la réussite. Il n’y a pas besoin d’être Indiana Jones, de n’avoir peur de rien et d’arriver à se décider avec très peu d’éléments pour briller. Je suis rassuré et cela insuffle une nouvelle confiance en moi. Oui, certaines de mes croyances risquent de freiner la croissance du projet, mais je suis le pilier « sécuritaire » de l’entreprise. Ce n’est pas forcément par moi qu’elle échouera. Rien que cela, ça fait un bien fou !

Je vous disais que je me considérais comme économe. En réalité, j’ai pris conscience que j’avais tendance à me frustrer. Je refusais juste de me l’avouer. Et cette frustration m’empêchait d’être en harmonie avec ce que je voulais être, d’être moi en fait. Cette privation dans mes dépenses ne servait qu’à me constituer un matelas suffisant pour combler la confiance que je ne m’accordais pas. C’est impressionnant les projections que nous pouvons mentalement créer sur l’argent.

Sandrine m’a aussi proposé des outils formidables, que j’utilise maintenant pour tout type de choix, pas seulement financier. J’ai appris qu’il y a les décisions qui viennent du cœur, d’autres de la logique et il y a celles que l’on prend réellement. Jusqu’à présent, je ne laissais parler que ma raison. Le fait d’écrire, de poser sur papier ce que me dicte mon intuition me permet d’arriver à un meilleur compromis avec moi déjà, avec mes partenaires également.

Il m’aura quand même fallu les entretiens suivants, la surveillance des cultures en somme, pour avancer et comprendre aussi que laisser circuler mon argent, c’est laisser circuler les énergies. En toute sincérité, j’en doutais. Mais depuis que j’ai lâché prise sur ça, depuis que mon épargne ne me sert plus seulement à me rassurer, je le constate dans les faits. Je ne me sens absolument pas plus en insécurité, voire je me trouve plus serein. Surtout, je m’autorise à dépenser pour des choses auxquelles je crois : mon entreprise, bien sûr, et pour des valeurs telles que l’écologie. Sans pour autant tout dilapider ! La différence, c’est que le curseur de ce que je juge nécessaire comme matelas a bougé. Plus de surplus incohérent. J’ai compris l’utilité fondamentale de mes économies.

Ma relation aux autres

Cela va certainement vous paraître dingue ou digne d’un conte pour enfants, mais ce qui change le plus en moi depuis le MoneyProfil, c’est mon rapport aux autres. Chaque jour, je fais un pas.

Il y a quelques mois, lorsque j’ai répondu au questionnaire-diagnostic et que j’ai détricoté ma relation à l’argent avec Sandrine (oui, elle emploie cette expression au moins une fois par heure !), quelque chose s’est brisé en moi. Et pour la bonne cause ! C’est cette carapace d’ingénieur qui ne pense qu’avec sa tête, qui ferme sa porte aux émotions qui se présentent, qui les rejette même au risque de ne pas me rendre compte de leur utilité. Et que les études ne nous poussent absolument pas à laisser percer.

 Depuis ce jour, progressivement, mon lien avec ma femme change. Nous sommes encore plus dans la compréhension l’un de l’autre, car nous saisissons nos “cadres” respectifs. Mes convictions ne m’aveuglent plus.

 Et c’est fou, mais ma vision des « privilégiés » a été bousculée également. Alors que je suis en vacances chez mes parents, je croise une fille « de riche » de mon école. Et elle est sincèrement ravie de me voir. Moi qui me l’imagine dédaigneuse, elle me cueille dans mes idées. Eh non, l’argent ne rend pas toujours les gens snobs !

Avec mes collaborateurs, mon fonctionnement se modifie beaucoup aussi. Auparavant, j’avais l’ascendant sur eux. Jamais ou presque je ne me souciais de ce qu’ils ressentaient quand je leur imposais quelque chose, chaque fois je prenais une décision. Jamais je ne leur demandais ce qu’ils attendaient de moi. J’ai inversé la tendance, il y a plus de discussions sur les ressentis. Et je constate avec effarement à côté de quoi je suis passé avant. L’équipe s’en porte mieux, nous avançons réellement ensemble maintenant. C’est si important pour une start-up. Nous ne sommes pas qu’un développeur, un ingénieur, un financier, nous sommes des humains. Voir les choses sous ce prisme-là vous fait prendre des décisions radicalement différentes.

 À l’heure où je vous écris ces lignes, je prends surtout conscience du poids des transmissions familiales. Les graines poussent et prennent la lumière un peu plus chaque jour. Je réalise à quel point être l’aîné de la famille fut à la fois une charge sur mes épaules et une ressource. Sans cette position, je ne serais pas là où je suis j’en suis aujourd’hui. Sans cette position, je n’aurais pas hérité des projections inconscientes et pourtant fondatrices que mes parents ont distillées en moi : être l’enfant qu’ils voulaient que je sois, être parfait, réaliser de grandes choses. Être mieux que ce qu’ils ont été eux-mêmes. Je leur dois ce que je suis, mais maintenant, il m’appartient d’être moi. Pour ça, je leur ai enfin dit que… je les aime.

Alors voilà, c’est mon histoire, celle de ma relation à l’argent, de mes projections.

Si je devais conclure, je tirerais ces leçons : vous ne plairez jamais à tout le monde. Et même si vous faites les choses bien, il y aura certainement des personnes à qui ça ne plaira pas. Et même si vous aviez tout l’argent disponible sur terre, s’il ne vous sert qu’à vous rassurer, il n’a aucune utilité.

Et comme mots de la fin, je dirais juste : questionnez-vous, mais pas seul !

Nouvelle écrite pour le compte de Sandrine Gleize-Ricci, fondatrice du Money-Profil.

L’histoire est réelle, les noms des personnes et des lieux ont été modifiés pour maintenir l’anonymat.

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